Comment je suis tombée en amour avec l’Afrique?


Certains affirment que c’est en croisant le regard d’un lion qu’on tombe en amour avec l’Afrique… moi je dirais que c’est lorsque je l’ai aperçu, étendu dans un pâturage avec sa douce, que j’ai connu ce sentiment. Même si je n’ai pas eu la chance de croiser le regard de ce géant, j’ai tout de même été conquise. Nous l’avons observé pendant près d’une heure, pendant qu’il se prélassait au soleil. Bien qu’il fût au courant qu’il était observé, il ne semblait pas indisposé par notre présence, il s’est même permis à quelques reprises d’aller faire son devoir de mâle au désarroi de la femelle. Avec une crinière semblable à une couronne de roi, il semblait tout de même peu âgé et l’absence de cicatrice sur son corps permettait de supposer qu’il n’avait toujours pas défié le mâle dominant du territoire pour prendre sa place. Il était comme un adolescent avec sa copine qui profitait du bon temps au soleil, par un samedi après-midi, avant de prendre au sérieux ses devoirs d’adultes. Cette vision valait, à mes yeux, tout l’or du monde. C’était mon rêve, depuis ma plus tendre enfance, de rencontrer le roi de la jungle. Même si le terme « roi de la jungle » est erroné étant donné que les lions ne vivent pas dans la jungle mais bien dans la savane africaine, j’ai tout de même compris d’où venait l’adjectif roi car, je dois l’avouer, il avait l’allure d’un roi.

Nous avons parcouru le parc pendant près d’une semaine à sa recherche avant de finalement le trouver. Après déjà quelques jours à parcourir les routes à la recherche de vie, je commençais à me sentir comme un prédateur affamé à la recherche d’une proie. Mes yeux avaient commencé à détecter le moindre mouvement à plus de 100 pieds du véhicule en mouvement. Une simple queue dansante dans une branche d’arbre située de l’autre côté d’un cours d’eau captait mon attention en moins d’un clin d’œil. Dans un endroit pareil, il faut réagir vite si on veut avoir des clichés à montrer à nos amis au retour de voyage. Les antilopes et les hippopotames faisaient partis du décor et nous étions rendus trop blasés pour nous arrêter pour les observer. Ce que nous recherchions était simple : c’était les « big five ». Le terme « big five » est utilisé pour nommer l’éléphant, le léopard, le buffle, le rhinocéros et le lion. Il a été inventé pour parler de ces mammifères car il s’agissait des cinq plus craints et respectés par les chasseurs de fauves. Ils étaient, et sont toujours, les plus difficiles et dangereux à chasser. Heureusement pour nous, ils étaient au rendez-vous malgré la difficulté de tous les dénicher. Le fait que j’ai réalisé ce voyage pendant le mois d’octobre, donc le début du printemps dans l’hémisphère sud, aura certainement favorisé leur observation en raison de l’absence de feuilles dans les arbres.

Je n’aurais pas cru avoir autant de difficulté à les voir, surtout pas le lion. Je pensais que le lion était omniprésent, qu’il était partout, je ne sais pas à quoi je pensais. Le plus grand prédateur de la savane est maintenant proche de l’extinction, voilà ce qui explique sa gêne à se montrer. Notre guide nous a informés que, depuis déjà plusieurs années, la population est en déclin et qu’il est de plus en plus difficile d’en croiser dans le parc. Nous avons donc été chanceux. Avec seulement 20 000 individus toujours en vie sur tout le continent africain, sa survie est en péril.

En prenant la décision d’aller en Afrique du Sud, je n’avais jamais pensé vivre l’expérience que j’ai vécue. J’avais déjà visité plusieurs pays en développement, vu d’autres réalités, connu d’autres cultures, mais jamais je n’avais vu un pays avec autant de contradictions. Ce n’est pas seulement mon expérience dans la brousse qui m’a conquise mais plutôt toute mon expérience en tant que jeune naïve de pays riches en sol africain. Je suis tombée en amour avec ce pays pour sa beauté, pour sa biodiversité mais également pour ses défauts qui m’ont permis de prendre conscience d’une problématique qui va bien au-delà de mes petits problèmes qui préoccupent ma vie trop facile. Ses défauts sont le résultat d’une injustice sociale et sont les contrecoups d’une ségrégation raciale qui a duré beaucoup trop longtemps.

J’ai entrevue ce qu’est l’Afrique mais également ce qu’elle pourrait être à travers le regard des Sud-Africains qui ont subi l’oppression. Les blessures du peuple ne sont pas encore pansées et, avec près de 5,7 millions de personnes atteintes du VIH dans le pays, il n’est pas sans dire que les problèmes ne sont pas finis d’être réglés. Pourtant, l’Afrique du Sud est un des plus beaux pays du monde qui ne décevra certainement pas les voyageurs désireux de découvrir ses merveilles.

Cette année, c’est au Japon que je tenterai de découvrir de nouvelles splendeurs. J’imagine que ce pays en a également beaucoup à m’apprendre avec sa culture riche, ses paysages à couper le souffle et sa capitale de 38 millions d’habitants.

2 commentaires sur “Comment je suis tombée en amour avec l’Afrique?

  1. C’est un très beau texte qui nous permet de bien comprendre tout ce que tu as ressenti lors de ce voyage où tu mets en parallèle la vie du roi de la jungle et celle de ses habitants.

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