Fromage, gelato et sac à dos

Je sais, je ne devrais pas écrire. En 2023, on n’écrit plus, on a ChatGPT qui le fait mieux que nous. Mais bon, j’avais encore cette envie, ce désir de mettre sur papier des sentiments comme seul un humain peut le faire. Alors voilà, je me lance.  

Il y a 18 ans, il y a de cela une vie d’adulte, je partais en Europe avec mon immense sac à dos. Ma marraine m’avait donné un montant d’argent pour m’aider à me payer le sac de mon choix. Je l’avais acheté chez LaTulipe, le seul de l’époque, celui en basse-ville de Québec. C’était un Karrimor, une marque anglaise réputée pour faire de bons sacs de voyage. J’avais eu un coup de foudre quand je l’avais vu au magasin. Il m’avait coûté une petite fortune, 300$ plus taxes.  

Je m’étais aussi équipée d’une tente, d’un sleeping, d’un matelas de sol, d’une gamelle et de plein d’autres cossins qu’on imagine indispensables quand on part faire un voyage de backpacking en Europe à 19 ans. J’avais pensé à tout, j’étais prête. J’avais même un immense guide Let’s Go sur l’Europe de l’Ouest qui pesait une tonne. J’avais de la difficulté à faire cinq pas sans me renverser sur le côté lorsque je transportais mon sac sur mon dos, mais ça faisait partie de la game. J’avais un dos solide à l’époque. J’étais invincible.

J’avais travaillé pendant toute une année dans un Club Vidéo Éclair pour pouvoir me payer ce voyage. Les temps changent, ça ne me rajeunit pas. Je rêvais de découvrir le monde, sans trop savoir à quoi m’attendre. J’avais la naïveté et l’arrogance de la jeunesse. J’avais une date avec moi-même.   

Nous sommes parties le 5 mai. Nous étions quatre amies. Le premier arrêt était l’Angleterre pour y travailler un peu et apprendre l’anglais. Puis, les choses ne se sont pas passées comme elles étaient supposées. Je ne tenais plus en place dans la campagne anglaise, j’ai fini par partir seule à l’aventure.   

Je n’ai jamais trop compris ce qui s’était passé dans ma tête à ce moment-là, mais clairement j’avais sous-estimé l’impact de ma décision qui était spontanée et irréfléchie. Je me suis donc ramassée seule, avec moins d’argent que prévu et plus de temps à occuper, mais surtout, avec une naïveté de débutante.  

J’ai été chanceuse de tellement de façons. J’ai été victime de trois tentatives de vol qui ont toutes échouées, dont une dans un train de nuit entre Prague et Berlin, une à Barcelone sur Las Ramblas et une autre à Barcelone dans le métro. Faut faire attention à Barcelone avec les pick pockets. Je me suis finalement fait voler tout mon fric dans une voiture de location à Mallorca en Espagne, 250 euros qui m’ont fait pleurer. Au moins, ils n’avaient pas touché à mon passeport ni à mon incroyable iPod 2^e génération qui contenait toutes chansons et mes Playlists. J’adorais cette machine.  

Je me suis fait héberger gratuitement par des amis d’amis à Paris, puis chez leurs parents dans le sud de la France. J’ai vu des paysages exceptionnels. J’ai visité de la famille. J’ai rencontré tellement de monde super sympathique. J’ai visité les plus belles villes du monde. J’ai parcouru dix pays en quatre mois. Je suis tombée en amour. J’ai mangé de la gelato et des fromages, beaucoup de fromage. J’ai pris trente livres, mais comme disait ma grand-mère, j’avais l’air plus en santé comme ça. Je suis revenue vivante à la maison. Surtout, je suis revenue la tête remplie de souvenirs et j’ai découvert, un peu, de quoi j’étais capable.