Labyrinthe sauvage

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Deux hommes nous ouvraient la voie à travers la jungle tortueuse. Ces hommes n’étaient pas de notre monde douillet. Ils avaient été élevés à la dure, tout comme leurs parents l’avaient été et que leurs enfants le seraient. Avec leur machette, ils nous créaient un petit chemin qui se refermait en moins de temps qu’il ne le faut pour passer. La végétation était si dense qu’il ne fallait pas la tête à Papineau pour comprendre qu’en seulement quelques jours, voire quelques heures, les traces de notre passage dans ce coin reculé de la forêt amazonienne seraient effacées et oubliées.

DSC06988Les GPS et les téléphones cellulaires ne disaient rien à nos guides, ils n’en n’avaient pas besoin pour se retrouver dans ce véritable labyrinthe naturel. Pour ma part, cela ne faisait que quelques minutes que j’avais commencé à marcher dans cet endroit hostile et j’étais déjà complètement déboussolée. Bien que normalement j’aie un sens de l’orientation acceptable, j’ai découvert là-bas que ma boussole intérieure ne fonctionne qu’en milieu urbain. S’ils m’avaient laissée seule à cet endroit, je n’aurais jamais retrouvé mon chemin. J’étais totalement et complètement dépendante des guides. En résumé, il ne fallait pas que je les perde de vue si je ne voulais pas terminé en repas pour les jaguars.

Le premier guide qui parlait notre langue nous avait expliqué de marcher aux mêmes endroits que lui, afin d’éviter les désagréments de la forêt, notamment les mygales au sol et les nids de guêpes sous les feuilles. Par contre, les attaques de fourmis rouges ne pouvaient être évités, et ce, peu importe la technique de marche et le style adopté. J’avais beau rentrer mes pantalons dans mes bas et ne pas rester inactive trop longtemps au même endroit, ces minuscules créatures immondes réussissaient malgré tout à m’attaquer et à me manger les jarrets. Ces bestioles étaient partout. Pour agrémenter le tout, la température était accablante et chaque pas demandait un effort considérable pour les réaliser.

Parfois, nous devions traverser des cours d’eau en marchant sur de vieux troncs d’arbres qui s’étaient échoués sur le sol, nous offrant au passage un chemin préférentiel pour notre trajet. Mon équilibre et moi avions toujours un défi considérable à traverser ces ponts de fortune sans tanguer. Je ressemblais à une ivrogne qui tente de marcher en ligne droite dans ces moments-là. Malgré tout, ces endroits où il était possible d’observer le ciel étaient mes préférés dans la forêt. Les papillons bleus, des morpho, étaient attirés par ces lieux lumineux et donnaient une touche de magie au moment, me faisant oublier du même coup les morsures des fourmis et le haut niveau de fatigue qui m’animait. Ces papillons sont si magnifiques qu’ils compensaient pour tous les autres petits irritants à eux seuls. Leurs ailes sous les rayons du soleil étaient étincelantes. Le reste du temps, la canopée était si dense qu’il n’était même pas possible de savoir si le ciel était bleu. DSC07059

Après un certain temps à marcher, un des guides s’est arrêté. Avec un je ne sais quel sixième sens, il a réussi à observer des traces au sol. Un animal avait dormi à cet endroit il n’y avait pas si longtemps. D’après ses observations, il s’agissait d’un petit mammifère qui ne devait pas être très loin de nous. Ce guide avait du flair, car ça ne lui a pas pris plus de trente secondes avant de retrouver la petite bête à quelques mètres devant nous. À voir son efficacité et sa lucidité dans un endroit pareil, j’ai pensé qu’on n’avait définitivement pas évolué dans le même environnement moi et lui. Avec la quantité de végétation présente dans cette forêt, j’aurais pu avoir un singe collé au visage que j’aurais eu de la misère à le voir. J’ai finalement réussi à l’apercevoir, quelques secondes seulement avant qu’il ne prenne la fuite. Je n’ai jamais réussi à savoir c’était quoi l’espèce pour tout dire. J’ai toutefois réussi à observer la mygale plus longtemps, cette grosse araignée semblable à une tarentule, qui était dans son nid au sol. Une telle bestiole ne se manque pas. J’en ai fait des cauchemars les nuits qui ont suivi.
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Après quelques heures de marche dans cet asile sauvage, nous avons commencé à prendre le chemin du retour. Pour ma part, j’avais l’impression de marcher dans le mauvais sens, mais ça, c’est un détail. Nous étions tellement déshydratés qu’un des guides nous a coupé une liane d’eau, une espèce de grosse branche à la texture spongieuse. Il l’a renversée et l’eau s’est mise à couler. Elle était fraîche et pétillante, semblable à une eau Perrier version hippie. Ce petit rafraîchissement était bienvenu. Lorsque les rayons de soleil réussissaient à percer à travers la forêt, il était possible de remarquer à quel point l’endroit était magnifique malgré son hostilité.

Une fois de retour au campement, je me suis lancée à l’eau en moins de deux secondes. J’étais tellement épuisée que j’aurais pu faire la carpe allemande dans le fond de l’eau pendant des heures si j’en avais eu le souffle. Puis j’ai fini par sortir de l’eau et je me suis assise sur un rocher. J’ai pris le temps d’écouter les bruits de la jungle et j’ai compris la chance que nous avions qu’il existe encore des endroits aussi purs sur terre. Des lieux encore intouchés par la civilisation. Ce genre de lieux qui vous fait rêver d’aventures lorsque vous êtes de retour dans votre vie rangée. J’ai savouré le moment.

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