J’ai connu le paradis terrestre. C’était en Malaisie. Je n’avais jamais pensé dans ma vie qu’un jour j’irais dans ce pays qui ne m’attirait pas aux premiers abords, sûrement à cause d’un film que j’avais écouté étant plus jeune et dans lequel un touriste connaissait la peine de mort dans ce pays pour possession de haschisch. Dans tous les cas, je n’étais pas partie en Asie dans l’optique d’aller visiter ce pays qui me semblait trop austère.
Un voyage en « backpack » étant généralement composé de surprises et d’imprévus, nous avons abouti sur une île perdue en Malaisie. L’île en question ayant été classée dans les années 70 comme étant l’une des 10 plus belles îles au monde par le magazine « Times », nous appréhendions le pire, c’est-à-dire de découvrir un endroit surdéveloppé dépourvu de culture et de charisme. À notre grande surprise, ce n’était pas le cas, même loin de là. L’île avait gardé son état pittoresque. Il n’y avait pas de grand restaurant ou d’hôtel à proprement parler. À vrai dire, les seuls hébergements disponibles étaient des petites cabanes avec une douche à l’eau froide séparée du reste de la chambre. Il n’y avait même pas de route reliant les différents villages de l’île, il fallait se déplacer par bateau d’une place à l’autre. Il n’y avait donc aucune voiture sur l’île.
Les deux seuls restaurants du village dans lequel nous restions étaient des restaurants de fruits de mer qui offraient chaque jour les poissons pêchés pendant la journée. Le présentoir de poissons de ces restaurants offrait des poissons aux couleurs et aux formes si variées que j’avais de la difficulté à croire qu’ils pouvaient tous se manger. Des jus de fruits frais, dans lesquels il était possible d’ajouter une once de rhum, étaient également disponibles pour aussi peu que 1,50$. Certaines journées, les ananas n’étaient pas disponibles, d’autres fois c’était les mangues.
Les autres touristes se faisaient rares. L’endroit où nous avions choisi de rester était quasiment désert à l’exception du propriétaire qui était toujours présent, jour et nuit, et qui nous offrait à chaque fois que nous passions devant son bungalow une noix de coco fraîche à siroter. Ce gentil homme, qui semblait avoir de la difficulté à respecter son Ramadan, a toutefois pris la peine de nous donner quelques conseils pertinents pour agrémenter notre séjour sur l’île lors de notre première rencontre. Son plus grand conseil, auquel il semblait apporter une importance primordiale, était de nous tenir loin des palmiers car, pour une raison inconnue, les singes s’amusaient à attaquer les touristes avec des noix de coco. Je dois avouer que j’étais d’accord avec lui, je n’avais pas envie de me faire assommer par une de ces noix, surtout pas lorsque c’est un singe qui est à l’origine d’une telle attaque sournoise. Cet homme nous a également expliqué à quoi sert le ramadan.
Le ramadan est un jeûne que les musulmans adultes doivent réaliser pendant un mois. Il s’agit de s’abstenir de manger, de boire ou d’entretenir des relations sexuelles de l’aube au coucher du soleil. Ce jeûne a pour but de leur enseigner la patience, la modestie et la spiritualité. Ce jeune musulman nous expliquait donc qu’il se couchait aux petites heures du matin, c’est-à-dire juste avant l’aube, afin de pouvoir manger le plus tard possible. Cette technique lui permettait de passer plus facilement au travers de la journée.
La première nuit que nous avons passée sur l’île était une nuit de pleine lune. En regardant le ciel pour admirer les étoiles, j’ai constaté qu’une ombre tournait autour de celle-ci. Je croyais avoir la berlue : j’hallucinais Batman dans le ciel. Bien sûr, mon copain ne me croyait pas et en a profité pour se moquer de mes soi-disantes hallucinations. Après tout, les chauves-souris géantes n’existent que dans les films. C’est seulement quelques jours plus tard, lors d’une conversation avec notre hôte que nous avons finalement appris la vérité : j’avais raison! Nous étions dans l’un des rares endroits du monde où nichent des chauves-souris géantes. Ces créatures, qui peuvent atteindre jusqu’à 1,5 mètre d’envergure, sont frugivores, c’est-à-dire qu’elles ne mangent que des fruits, et ne sont vraiment pas une menace pour l’homme. Je me suis dit que la vision de cette chauve-souris dans le ciel était un moment que je voulais me rappeler toute ma vie car c’est le genre de détails qui font que les voyages sont des expériences uniques.
Le lendemain de cette nuit de pleine lune, nous avons pris nos masques et nos palmes et nous avons décidé de faire un peu de plongée en apnée à partir de la plage, question de voir qu’est-ce qui se trouvait dans ces eaux turquoise. À seulement quelques secondes de la plage il était possible de voir un récif de corail en santé, des « nemo » dans leur anémone, des tortues de mer, des bancs de poissons aux couleurs multicolores, des barracudas qui chassaient ces bancs de poissons, des étoiles de mer, et plus encore. J’en garde un souvenir incroyable. Le soir venu, nous choisissions l’un ou l’autre des restaurants de la place et nous mangions comme des rois pour moins de 5$. Les gens étaient tellement sympathiques et souriants, fiers de leur île sur laquelle leurs ancêtres avaient également vécu. Ils avaient de quoi être fiers.
Cette île était différente de toutes les autres îles que nous avions visitées en Asie. La raison de cette différence n’était pas visible pour les touristes mais, après plusieurs discussions avec les gens de la place, nous avons fini par comprendre que les gens de l’île ont mis sur pied un système de décision. Ce sont les citoyens de l’île qui décident s’ils veulent ou non d’un nouveau projet commercial. Cette technique permet d’éviter que l’endroit devienne surpeuplé et qu’il soit envahi par des hordes de touristes. Ce processus décisionnel permet également au peuple de pouvoir continuer à vivre de la manière dont vivait leurs ancêtres, chose qui devient de plus en plus rare dans ces régions du monde qui connaissent un développement trop rapide.
Nous avons quitté l’île à reculons. Ces journées passées à vivre avec cette communauté dans ce décor de paradis terrestre nous ont marqués à jamais. Nous garderons un souvenir impeccable de cette île pittoresque perdue dans l’océan Indien. Comme quoi les imprévus dans un voyage sont souvent ce qui en fait une réussite.
Super.Vous étiez vraiment près du paradis.Il faudrait nous montrer les photos,
Super Valérie,grâce à tes belles descriptions on saisit bien la « magie » qui a pu s’opéré…tu as assurément du talent, garde précieusement ces beaux textes qui pourraient peut- être faire l’objet d’un livre,pourquoi pas? gigi
Merci pour les beaux commentaires! C’est toujours apprécié…